L’ANGORA, LA RACE LAINIERE
Il existe une race un peu à part dans l’élevage caprin français, c’est la chèvre Angora. Les troupeaux de cette race principalement localisés dans le Sud, ont été introduits dans les années 1980 à partir du Canada, du Texas, d’Australie et d’Afrique du sud. L’objectif de production de ces éleveurs est le mohair fibre naturelle de très haute qualité, récoltée par tonte des animaux deux fois par an et utilisée, seule ou en mélange avec d’autres fibres, pour la réalisation de vêtements de luxe, de lainages, de draperies…
Le nom d’Angora a pour origine le nom d’une province turque : l’Angora, province située en Anatolie qui est aujourd’hui la région d’Ankara. Mais en réalité cette province du centre de la Turquie n’est qu’une étape importante sur la longue route historique de la race. C’est une des plus vieilles du monde puisqu’elle est connue depuis 3 000 ans avant J.-C. La chèvre Angora est citée dans les premiers témoignages écrits connus. Elle est citée dans la bible : « et toutes les femmes savaient faire leurs vêtements en tissant des poils de chèvres » (Exodus 35.26). L’Angora est issue d’un rameau de chèvres à poils longs qui vivaient et vivent toujours au Cachemire et au Tibet. L’arrivée de la race en Turquie est datée du 15ème siècle. A l’époque les nomades avaient besoin de lait, de viande et de laine en grosse quantité, soit pour échanger, soit pour vivre en autarcie. Mais curieusement la race introduite en France ne le fut pas depuis la Turquie même si les deux pays se fréquentaient déjà sous le règne de Louis XIV. A cette époque, quelques bêtes furent offertes à la France et elles ont attiré plus de curiosité que d’ intérêt.
L’Angora est une race caprine de petit format n’excédant pas 65 cm au garrot. Un bouc pèse environ 40 kg alors que le poids d’une chèvre va de 25 à 30 kg. Les cornes des mâles se recourbent en spirale extérieure. La tête est petite et les oreilles sont pendantes vers l’avant, le tronc est volumineux, les membres sont puissants et ont de bons aplombs. La laine est blanche, la toison bouclée ne doit pas comporter de poils de couleur, de plus elle doit être sans jarre et bien répartie sur tout le corps. Plus la toison est lustrée et brillante, plus elle est recherchée. Mukhayyar : « celle qui est choisie, la plus belle » c’est de ce verbe arabo-persan que prend naissance le mot mohair, nom de la toison de la chèvre Angora.
On n’élève la race Angora que pour sa laine car elle est peu compétitive dans les domaines du lait et de la viande. La chèvre Angora est rustique, calme et facile à élever, un peu comme une brebis avec laquelle les non initiés la confondent parfois car cette race a un comportement identique aux races ovines. En ce qui concerne les qualités lainières, elles se justifient par les chiffres suivants : le poids d’une toison à l’âge de 6 mois est déjà de 2,1 kg, la tonte d’un bouc donne 5,2 kg par an, celle d’une chèvre 4,5 kg par an. La tonte a lieu deux fois par an.
L’épopée de la chèvre cachemire… chèvre des riches
Absente du territoire français, on entendait parler de la chèvre cachemire en se référant aux fameux et très onéreux châles particulièrement à la mode, portés par les grandes dames des cours de Louis XV.
Malgré les grands bouleversement politiques, l’engouement pour les châle persistait sous Napoléon Ier. Bien que les revenus de son ménage furent appréciables, il reprocha maintes fois à son épouse Joséphine ainsi qu’à sa belle sœur Hortense non seulement le prix exorbitant de ces châles mais surtout de faire des rentes aux Anglais, maîtres du marché. Napoléon avertissait ces dames qu’il allait tout brûler. Malgré les menaces impériales, le châle tint bon.
Plus calmement, quelques années plus tard, le Comte Descazes, ministre de Louis XVIII dans son rapport adressé à sa Majesté soulignait l’urgence d’encourager l’élevage des chèvres cachemires, moyen d’enrichir l’agriculture française et d’affranchir le royaume de l’un des tributs que le luxe payait à l’industrie étrangère (les Anglais élevaient déjà ces fameuses chèvres en Ecosse). Le Roi de France, le ministre, les membres du conseil de l’agriculture, le corps des manufactures décidèrent alors de monter une expédition pour acheter des chèvres au cœur de l’Asie, là où l’on en trouvait. M. Jaubert fut chargé de conduire l’expédition. Parti en avril 1818, il se dirigea en direction de l’Himalaya où il acheta ces chèvres, 1289 exactement. M. Jaubert débarque à Toulon quelques semaines plus tard avec 568 chèvres survivantes.
Toute la gente caprine remise sur pied, en gros 150 bêtes partirent à pied vers la bergerie nationale de Saint Laurent de la Salanque près de Perpignan. Les autres furent répartis en différents élevages de 22 départements. Les bêtes ne déçurent pas, le duvet était beau, soyeux, une chèvre donnait bien ses 200 à 300 grammes par peignage. La chèvre cachemire faisait des envieux.
Mais, car il y a souvent un mais, si on tenait le duvet, on ne tenait pas le tissu, tout du moins le beau. Nos châles n’avaient pas la finesse, le brillant qui font la cherté des tissus asiatiques. On demanda conseil à M. Khodja – Youssouf arménien d’Istanbul. Ce monsieur nous fit savoir que nous étions loin « d’être dans le coup » pour espérer aboutir. M. Khodja – Youssouf préconisa l’utilisation d’un métier à tisser horizontal, où l’ouvrier travaille sur l’envers avec le concours indispensable d’un enfant couché sous l’appareil qui renvoie la navette et indique au tisserand les changements de couleur des fils nécessaires.
Notre manque de doigté, le manque de main d’œuvre pour renvoyer la navette couché sous un métier horizontal toute une journée sont bien les vraies raisons pour lesquelles nous continuons à payer les vrais cachemires au prix fort.
Dommage, peut être reverrons-nous un jour des chèvres cachemire dans nos campagnes ? Peut-être aurons nous inventé un engin à tisser adéquat ? Peut-être verrons nous en magasin des « châles » made in France ?